Une bataille attend la prochaine vérificatrice générale du Canada

Écrit par sur 22 mai 2020

La prochaine vérificatrice générale du Canada aura-t-elle les moyens de jouer pleinement son rôle? La question se pose plus que jamais.

Karen Hogan devrait être confirmée dans ses fonctions dans les prochains jours par le Parlement. Personne ne semble mettre en doute les compétences de cette candidate du gouvernement Trudeau. Là n’est pas le problème.

Experte en comptabilité et en vérification, Karen Hogan compte plus de 25 ans d’expérience et occupe déjà depuis longtemps un poste de direction au sein du Bureau du vérificateur général du Canada (BVG) où elle a gravi les échelons.

Mais celle qui doit succéder à Michael Ferguson, décédé avant la fin de son mandat de 10 ans, prendra les commandes dans un contexte fort préoccupant.

Alors que les dépenses atteignent des niveaux records à Ottawa, le Bureau du vérificateur général est sous-financé. Il doit examiner minutieusement la réponse fédérale à la pandémie.

La comparution de Karen Hogan cette semaine devant un comité parlementaire qui se penchait sur sa nomination a fait peu de bruit. Pourtant, elle a lancé un signal sans équivoque : Le fait d’avoir des contraintes de ressources met à rude épreuve notre capacité de remplir notre mandat au niveau où nous souhaiterions qu’il soit.

La candidate au poste de vérificateur général du Canada, Karen Hogan

Photo : Bureau du vérificateur général du Canada

L’appel du BVG n’est pas nouveau, mais le contexte a changé. Et ce qui se passe devrait inquiéter les Canadiens, considère notamment Kevin Page de l’Institut des finances publiques et de la démocratie. Il est aussi l’ancien directeur parlementaire du budget.

Nous nous dirigeons vers les dépenses les plus importantes de l’histoire du Canada depuis la Seconde Guerre mondiale. Le Bureau du vérificateur général demeure l’institution de surveillance la plus importante. La pression en faveur d’une surveillance n’a jamais été aussi forte.

Michael Ferguson avait maintes fois exprimé ses préoccupations, tout comme Sylvain Ricard qui assure l’intérim depuis son décès. Les problèmes de financement du BVG remontent à 2011, lorsque le gouvernement Harper a mis en place son programme de réduction des dépenses.

Mine de rien, le manque de ressources financières a de plus en plus de conséquences. Le vérificateur général du Canada a dû réduire de près de moitié le nombre d’audits qu’il effectue. ans, nous réalisions environ 27audits de performance par année. Avec nos ressources actuelles, nous prévoyons pouvoir en présenter 14″,”text”:”Il y a 10ans, nous réalisions environ 27audits de performance par année. Avec nos ressources actuelles, nous prévoyons pouvoir en présenter 14″}}” lang=”fr”>Il y a 10 ans, nous réalisions environ 27 audits de performance par année. Avec nos ressources actuelles, nous prévoyons pouvoir en présenter 14, expliquait récemment le vérificateur général par intérim.

Le vérificateur général par intérim Sylvain Ricard

Photo : The Canadian Press / Justin Tang

Les derniers mois ont compliqué davantage les choses pour le BVG qui examine en profondeur l’utilisation des fonds publics et la performance des politiques gouvernementales. À la mi-février, il s’est vu confier par le Parlement la tâche d’examiner le plan d’infrastructure de 187 milliards de dollars du gouvernement Trudeau. Depuis, le lot de mesures d’urgence annoncé dans le cadre de la pandémie s’est ajouté à la tâche du BVG.

Compte tenu des contraintes budgétaires, le vérificateur a dû faire des choix difficiles en remettant à l’an prochain le dépôt de neuf rapports. Ces audits portent, par exemple, sur la sécurité ferroviaire, la Stratégie nationale de construction navale, les services de technologies de l’information et l’Allocation canadienne pour enfants.

Les sujets que nous sélectionnons dans le cadre de nos audits reportés sont importants pour les parlementaires et les citoyens canadiens […] nous n’avons pas la capacité de mener à bien certains des travaux importants que nous avons maintenant dû reporter. Nous ne savons pas quand nous pourrons réaliser ces travaux.

Les modestes augmentations de financement obtenues dans un passé récent n’ont jamais été à la hauteur des demandes du BVG qui considère avoir besoin de près de 11 millions supplémentaires pour mieux faire face aux défis actuels et se moderniser.

Alors qu’il était majoritaire, le gouvernement Trudeau avait tourné le dos l’an dernier à cette requête. Il n’a toujours pas indiqué s’il comptait acquiescer à la demande de financement additionnel relancée cette année, avant la pandémie.

On doit s’y attaquer le plus tôt possible parce que les problèmes s’accumulent. Il est probablement bon d’avoir un Parlement minoritaire pour traiter cette question. Le gouvernement sera soumis à une pression accrue de la part des partis d’opposition pour obtenir un budget adéquat, ce qui n’est pas une mauvaise chose, croit l’ancien directeur parlementaire du budget Kevin Page.

À titre de haut fonctionnaire indépendant, le vérificateur général relève directement du Parlement. Il supervise les audits de plus de 100 ministères, sociétés d’État et gouvernements des territoires. Au fil des ans, il a reçu des mandats supplémentaires non financés.

Les faits d’armes du BVG

L’ancienne vérificatrice générale du Canada, Sheila Fraser

Photo : La Presse canadienne / Pawel Dwulit

Le rapport explosif de l’ancienne vérificatrice générale Sheila Fraser, qui a fait éclater en 2004 toute la profondeur du scandale des commandites, est venu accroître la notoriété et la stature du Bureau.

Si cet examen a changé l’image de cette fonction, aux yeux tant des élus que des Canadiens, d’autres rapports comme ceux du fiasco des F-35 et du système de paie Phénix ont plus récemment confirmé et rappelé l’importance des audits et de la reddition de comptes.

La confirmation de Karen Hogan au poste de vérificatrice générale du Canada ne semble plus qu’une formalité. Déjà, elle a annoncé qu’une partie des premiers mois de son mandat devront être consacrés aux problèmes de financement de l’organisation. La solution passe par de l’argent permanent et prévisible, a-t-elle affirmé plus tôt cette semaine devant le Comité permanent des comptes publics. Ce sera l’une de mes premières priorités si je devais être nommée vérificatrice générale.

Comme l’avait déjà souligné Sheila Fraser à la toute fin de son mandat de 10 ans, bien servir le Parlement, c’est lui fournir, en temps opportun, un portrait précis et fiable de la manière dont l’administration gère les ressources publiques.

Les retards de plusieurs audits ont le potentiel de dévier de ce principe clé. Si l’indépendance de ce chien de garde est primordiale, le fait d’avoir un budget suffisant pour bien accomplir sa mission l’est tout autant. Particulièrement en cette période hors du commun.


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