Projet d’Hydro-Québec dans le Maine : le référendum pourrait être anticonstitutionnel
Écrit par Radio Centre-Ville sur 20 février 2020
Les espoirs des opposants au projet d’Hydro-Québec dans le Maine pourraient être déçus, prévient un éminent professeur de droit constitutionnel.
Afin d’empêcher l’érection d’une ligne à haute tension entre le Québec et le Maine, des groupes d’opposants ont soumis au secrétaire de l’État une pétition réclamant la tenue d’un référendum sur le projet. Une décision doit être rendue sous peu.
Or, prévient le professeur émérite à la Faculté de droit de l’Université du Maine, Orlando Delogu, la constitution du Maine ne permet pas de remettre en question les décisions d’organismes réglementaires quasi judiciaires. La constitution du Maine donne aux citoyens le pouvoir d’adopter ou de répudier de nouvelles lois, c’est tout
, note-t-il.
Le texte de la question référendaire soumis par les opposants au projet vise pourtant à forcer la Commission des services publics du Maine, un tribunal administratif assimilable à la Régie de l’énergie, à revoir une décision qu’elle a déjà rendue.
En entrevue à Radio-Canada, le professeur émérite insiste : si les décisions de la Commission peuvent faire l’objet d’appels devant les tribunaux supérieurs, elles ne peuvent être remises en question par le biais d’une consultation populaire.
Je ne fais que lire la constitution du Maine. Si les mots ont le sens qu’on leur donne […] alors la construction de la nouvelle ligne va se poursuivre, c’est tout
. Au-delà de ses prises de position personnelles sur le projet, dit le professeur, il est d’abord et avant tout un homme de loi.
Une question litigieuse
Des opposants au projet d’Hydro-Québec au Maine se font de plus en plus entendre.
Photo : Radio-Canada / Mathieu Potvin
Les référendums sont peu fréquents dans l’État du Maine, souligne Orlando Delogu, et c’est la première fois, selon lui, qu’une question référendaire visant la décision d’un tribunal administratif est soumise au secrétaire de l’État.
Cette initiative est unique
, fait valoir le professeur. J’habite au Maine depuis 50 ans et je n’ai jamais vu de question comme celle-ci.
Dans les circonstances, il juge inévitable que l’affaire se retrouve devant les tribunaux.
Il y a assez de doute pour que, d’une façon ou d’une autre, ça se retrouve devant les tribunaux. […] Les promoteurs et les opposants du projet ont des avocats assez intelligents pour ça. […] Et s’il y a des recours, ça ne portera pas sur la formulation de la question référendaire ou sur la validité des signatures amassées, mais sur la constitutionnalité d’une telle initiative.
Dans les circonstances, le secrétaire de l’État pourrait aussi prendre sur lui de solliciter un avis juridique de la part du procureur de l’État quant à la constitutionnalité d’une telle mesure, estime le professeur de droit.
Des promoteurs prudents
La ligne relierait le poste des Appalaches, près de Thetford Mines, et celui de Lewiston, dans le Maine.
Photo : Radio-Canada
Hydro-Québec demeure prudente pour l’instant. Quelle que soit l’issue de cet exercice-là, nous entendons continuer à faire valoir les mérites du projet et expliquer la contribution de l’hydro-électricité québécoise à la décarbonation en Nouvelle-Angleterre
, explique la porte-parole de la société d’État, Lynn St-Laurent.
La société d’État suit avec attention la démarche
, mais n’entend pas pour l’instant participer à quelque recours judiciaire que ce soit.
Il revient aux gens du Maine de déterminer la meilleure marche à suivre, mais Hydro-Québec va déployer les efforts nécessaires pour que tous les avantages du projet soient bien compris par la population locale.
Central Maine Power, le partenaire d’Hydro-Québec, n’a pas retourné nos appels.
La ligne à haute tension qu’Hydro-Québec et son partenaire américain Eversource projettent de construire dans l’État du Maine permettrait d’accroître les capacités d’exportation d’électricité du Québec vers la Nouvelle-Angleterre. Cette ligne baptisée Northern Pass doit notamment desservir l’État du Massachusetts à qui Hydro-Québec compte fournir 9,45 térawattheures (TWh)d’électricité par année pendant 20 ans.
L’Association des producteurs d’énergie de la Nouvelle-Angleterre, de même que des groupes environnementaux et des coalitions de citoyens s’opposent au projet.