Loi 61 : Elle a bon dos, la crise!

Écrit par sur 6 juin 2020

Le gouvernement Legault, on le sait, est pressé et n’aime pas que ses décisions soient remises en question, quitte à abolir les organismes trop critiques comme les commissions scolaires. Mais ce qu’il voudrait faire avec le projet de loi 61 sur la relance de l’économie dépasse tout ce que l’on a vu jusqu’ici.

La loi 61 donnerait carrément au gouvernement le droit de passer outre à des lois de l’Assemblée nationale et aux règlements qui ne font pas son affaire. Le premier ministre, comme le parrain de la loi, le président du Conseil du Trésor Christian Dubé, disent qu’il ne s’agira aucunement de ne pas respecter les lois et procédures établies, mais il reste que la loi 61 leur en donnera le pouvoir. Il y a plusieurs dangers dans cette situation.

Reconstruire en mieux

Le premier de tous, c’est de ne pas se donner le temps d’un second coup d’œil aux 202 projets énumérés dans la loi. C’est vrai qu’ils sont tous prévus au Plan québécois des infrastructures, mais ne dit-on pas que la crise fera en sorte que les choses ne seront plus comme avant? Un peu partout dans le monde, on dit qu’il faut reconstruire, mais en mieux. Encore faut-il savoir comment.

Par exemple, le projet de loi contient un grand nombre de projets de construction ou de prolongement d’autoroutes. Pourtant, tout le monde dit que la crise nous aura fait faire un virage vers le télétravail. Alors, les nouvelles autoroutes menant au centre-ville sont-elles encore aussi utiles? Il faudrait au moins se poser la question.

Plusieurs intervenants, dont le gouvernement fédéral, voudraient utiliser la reconstruction pour contribuer à la réduction des gaz à effet de serre. Reprendre de vieux projets, comme le fait la CAQ, pourrait créer autant de rendez-vous manqués.

La surchauffe

Les partis d’opposition à l’Assemblée nationale brandissent déjà le spectre d’une nouvelle Commission Charbonneau tant les tentations seront nombreuses de retomber dans les vieilles magouilles.

Mais ce qui est encore plus probable, c’est de se retrouver dans la même surchauffe qu’a connue le Québec, pratiquement chaque fois qu’on a accéléré les investissements en infrastructures.

Il y a un nombre limité d’entrepreneurs et de travailleurs de la construction. La surchauffe était déjà bien installée dans la région de Montréal avant le début de la crise sanitaire, avec les augmentations de coûts qui suivent inévitablement, surtout en temps de pénurie de main-d’œuvre.

Cette pénurie a laissé la place à un taux de chômage élevé. Mais on ne peut pas se lancer en même temps dans des projets de construction, de transports en commun, d’autoroutes, d’écoles, de maisons des aînés et de rénovations d’hôpitaux sans que cette surchauffe reprenne.

Surtout quand, à cause de l’urgence, on se donne le droit de déroger à toutes les règles d’octroi des contrats publics, y compris celle du plus bas soumissionnaire.

L’environnement

Le gouvernement dit ne pas vouloir éliminer ses obligations, juste d’accélérer certaines étapes. Mais il reste qu’on ne peut pas faire en une couple de jours ce qui prend normalement des mois. Dans de telles circonstances, couper les délais va inévitablement faire tourner les coins ronds.

Nulle part est-ce plus évident qu’en environnement – qui est déjà, on le savait, l’angle mort de la CAQ. La loi 61 se trouve à permettre toutes sortes de dérogations à la Loi sur la qualité de l’environnement, y compris les études d’impact. On va même demander au Bureau d’audiences publiques en environnement de contribuer, si on le lui demande, à modifier les limites des parcs nationaux si un projet devait l’exiger.

On croyait que le faux choix entre l’environnement et le développement économique était chose du passé. Il faut croire que la nouvelle ne s’est pas rendue jusqu’au gouvernement.

Et la politique

Enfin, il y a la politique. Il n’est pas difficile de constater que le projet de loi 61 permet au gouvernement de prolonger l’état d’urgence sanitaire aussi longtemps qu’il le voudra et crée une période de suspension des lois actuelles, par exemple sur l’expropriation, pour deux ans.

Deux ans, cela nous mène directement à la prochaine campagne électorale. Et force est de constater que les 202 projets d’infrastructures inscrits dans le projet de loi sont presque tous des promesses électorales de la CAQ. La ficelle est trop grosse pour ne pas la remarquer.

Comme on peut voir que les régions qui ont voté du bon bord aux dernières élections seront favorisées. Un exemple suffira : les Maisons des aînés sont la solution que la CAQ propose pour remplacer les CHSLD. Or, on en prévoit trois pour la seule région de l’Abitibi-Témiscamingue et seulement deux pour Montréal.

Pourtant n’est-ce pas dans les CHSLD et autres résidences de personnes âgées de Montréal qu’on a connu plus de la moitié des presque 5000 morts de la COVID-19 au Québec? Mais Montréal a le défaut de ne pas avoir voté du bon bord…


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