Les multiples défis de la COVID-19 dans les communautés autochtones isolées

Écrit par sur 14 mars 2020

Le gouvernement fédéral serait prêt à utiliser des tentes d’isolement et même des hôpitaux de campagne pour répondre à l’épidémie de coronavirus dans les communautés autochtones les plus reculées.

Selon la sous-ministre adjointe principale de la Direction générale de la santé des Premières Nations et des Inuit, Valerie Gideon, l’Agence de la santé publique du Canada tente d’acquérir des tentes d’isolement spécialisées pour faire du dépistage et des tests.

Ces tentes pourraient être utilisées dans les communautés qui ne disposent pas d’infrastructure adéquate pour faire face à la COVID-19, déclarée pandémie le 11 mars par l’Organisation mondiale de la santé.

« Nous cherchons à acquérir certaines de ces tentes afin de les déployer rapidement si nécessaire », a déclaré Mme Gideon.

Les communautés dotées d’un petit centre de santé pourraient être les premières dans lesquelles seraient déployées ces tentes spécialisées. Mesurant environ six mètres sur cinq, ces tentes créent un environnement à pression négative et seraient propices au dépistage et aux tests.

Le ministre des Services aux Autochtones, Marc Miller, a de son côté déclaré que l’acquisition d’équipement spécialisé faisait partie de la démarche du gouvernement à l’égard des besoins spécifiques des communautés autochtones isolées.

« Il s’agit d’une approche basée sur les distinctions que nous devons faire pour les communautés où il existe un risque de propagation de COVID-19 si cela devait se produire », a dit Marc Miller.

De nombreuses communautés isolées, chez les Premières Nations et les Inuit, font face à des pénuries de logements et à la surpopulation, plusieurs familles partageant une seule maison.

Un bon nombre d’elles manque aussi d’eau potable et a un accès limité aux services médicaux, ce qui les rend particulièrement vulnérables à une épidémie. Leur auto-isolement – l’une des mesures clés pour faire face à la COVID-19 – est difficile à réaliser, selon le ministère.

Autre possibilité : le recours aux hôpitaux de campagne

En plus des tentes, Valerie Gideon a mentionné que Services aux Autochtones est prêt à expédier des structures légères pour loger les personnes qui auraient besoin de s’isoler. Le ministère pourrait aussi fournir des logements aux travailleurs de la santé qui seraient susceptibles d’être envoyés dans les communautés autochtones aux prises avec une épidémie.

Mme Gideon a déclaré que le ministère envisageait aussi de déployer en urgence des abris temporaires alors que la saison des routes d’hiver – qui relient de nombreuses communautés isolées –  touche à sa fin.

Le besoin éventuel d’hôpitaux de campagne a également été soulevé lors des discussions à propos de la préparation à une épidémie de COVID-19 dans les communautés éloignées, mais Mme Gideon a déclaré que cette discussion devait inclure les ministères provinciaux de la santé.

« Nous allons parler aux gouvernements provinciaux pour voir si cela fait partie de leurs plans de lutte contre la pandémie », a-t-elle précisé.

Lors de l’épidémie de H1N1 en 2009, lorsque des communautés autochtones ont demandé de l’aide pour s’y préparer, Santé Canada avait envoyé plus de deux douzaines de housses mortuaires à une Première Nation du Manitoba.

Beaucoup de choses ont changé depuis cet incident qui a obligé Santé Canada à présenter ses excuses à la Première Nation Wasagamack.

Les chefs autochtones inquiets

Le chef national de l’Assemblée des Premières Nations, Perry Bellegarde, a déclaré que la COVID-19 représente une menace potentiellement mortelle pour les communautés  autochtones éloignées.

« Si elles ne reçoivent pas les soins nécessaires, il y aura des morts », a déclaré Perry Bellegarde, en ajoutant que ce nombre risque d’être élevé si ça se propage de façon rampante. « C’est ma plus grande peur », ajoute-t-il.

« Le chef national Bellegarde est très conscient des préoccupations et des mises en garde concernant la situation actuelle », a déclaré l’APN dans un communiqué envoyé à CBC News jeudi.

« Il continuera à tendre la main aux dirigeants et aux fonctionnaires fédéraux, provinciaux et territoriaux, l’objectif immédiat et principal étant de s’assurer que tous les niveaux de gouvernement ont mis en place des plans de prévention et d’intervention pour le coronavirus qui tiennent compte de la situation particulière des Premières Nations », peut-on encore lire dans le communiqué.

Natan Obed, le président de l’Inuit Tapiriit Kanatami – l’organisation nationale représentant les Inuit – a déclaré que le manque d’infrastructures et de services de santé adéquats rend de nombreuses communautés inuit vulnérables au type d’épidémie qui se propage actuellement dans le monde.

« En tant que maladie respiratoire, la COVID-19 représente une menace spécifique pour les Inuit en raison de facteurs tels que la surpopulation, le manque d’infrastructures et le manque de soins de santé », a-t-il ajouté.

Selon Natan Obed, certaines organisations inuit ont déjà commencé à limiter les déplacements et à organiser des réunions en raison de la pandémie. M. Obed a indiqué que son organisation travaille en étroite collaboration avec l’Agence de la santé publique du Canada et Services aux Autochtones afin de répondre aux besoins spécifiques des 51 communautés inuit réparties sur l’ensemble du territoire inuit.

Le leader national des Inuit a déclaré qu’il était impatient de discuter avec le ministre Marc Miller des plans du ministère concernant l’utilisation de tentes médicales spécialisées dans les communautés inuit, ajoutant qu’il y a « des considérations spécifiques aux Inuit dans tout le travail que le gouvernement fédéral fait pour réagir à la COVID-19 ».

Le 11 mars, Justin Trudeau a annoncé que son gouvernement consacrait un milliard de dollars à la lutte contre la pandémie. Les fonds destinés aux communautés autochtones devaient provenir d’une enveloppe de 100 millions de dollars.

Cependant, les Métis n’auront pas accès à ces fonds, car ils ne sont disponibles que pour les Premières Nations et les Inuit, qui relèvent de la compétence fédérale en matière de soins de santé, a déclaré David Chartrand, le vice-président du Ralliement national des Métis.

« Les Canadiens recevront de l’aide, tout le monde recevra de l’aide, les Premières Nations, les Inuit, sauf nous », a déploré M. Chartrand.

Celui qui est également président de la Fédération des Métis du Manitoba a déclaré que le gouvernement provincial du Manitoba ignore les besoins des Métis et que ceux-ci souhaitent que le gouvernement fédéral intervienne pour combler le manque de financement.

Le taux d’infection dans les communautés autochtones isolées est imprécis

La députée néo-démocrate Niki Ashton, dont la circonscription de Churchill-Keewatinook Aski comprend plusieurs Premières Nations du nord du Manitoba, a déclaré que l’utilisation de tentes médicales spécialisées ne répondra pas aux besoins des communautés autochtones du Nord. Selon elle, les tentes seront inappropriées au climat qui y prévaudra au cours des trois prochains mois.

« En tant que maladie respiratoire, la COVID-19 représente une menace spécifique pour les Inuit en raison de facteurs tels le surpeuplement, le manque d’infrastructures et le manque de soins de santé », a-t-elle aussi dit en précisant que les gens à qui elle a parlé sur le terrain sont inquiets de ce qui pourrait arriver à leur communauté.

Mais Valerie Gideon dit que le ministère des Services aux Autochtones est prêt, que des plans sont en place pour faire face à la pandémie et que les fonctionnaires sont maintenant en communication permanente avec les communautés pour évaluer la situation qui est en évolution constante.

« L’approche du gouvernement est flexible afin de garantir que les ressources seront disponibles là où elles sont nécessaires et que nous n’aurons pas de pénurie en ce qui concerne les fournitures ou les capacités de dépistage », a déclaré Mme Gideon.

Selon elle, le ministère veille à ce que les travailleurs de la santé des communautés disposent des fournitures dont ils ont besoin, que ce soit des masques de protection ou des désinfectants pour les mains.

Elle admet toutefois qu’on ne sait pas encore très bien quel sera le taux d’infection potentiel s’il touche les communautés autochtones isolées, et tient à rappeler que la population autochtone globale est une population plus jeune.

« Jusqu’à présent, pour le moment, nous avons vu [avec] la COVID-19 que peu d’enfants ont été touchés… Il est également important de se souvenir de cela en matière de probabilité. »

Un texte d’Olivia Stefanovich et de Jorge Barrera, CBC


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