La stratégie de dépistage du Québec vivement critiquée par une conseillère de Trudeau

Écrit par sur 7 mai 2020

« Je me serais attendue à voir un plan, mais je n’ai jamais vu de plan. Et pourtant, je l’ai demandé plusieurs fois », assure Mona Nemer, la conseillère scientifique en chef du premier ministre du Canada.

Cette dernière, qui a été nommée en 2017 par Justin Trudeau et dont le mandat est de lui fournir des conseils scientifiques impartiaux, ne mâche pas ses mots contre le gouvernement du Québec, qui compte augmenter massivement le dépistage dans la province la plus touchée du pays par la COVID-19.

Comment? C’est « la question », selon celle qui est chevalière de l’Ordre national du Québec, de l’ordre national du Mérite de la République française et membre de l’Ordre du Canada.

J’essaie d’avoir l’heure juste, mais je n’y arrive pas, affirme Mona Nemer, en entrevue à Radio-Canada. Une inquiétude qui est d’ailleurs partagée par plusieurs sources au sein du réseau de la santé, qui déplorent un manque d’informations.

Il y a certainement une difficulté dans la communication. Je peux comprendre qu’on n’était pas prêt, mais ça fait maintenant deux mois qu’on en parle, souligne cette experte en chimie et cardiologie moléculaire.

Il y a des enjeux à différents niveaux. Je trouve qu’il y a un peu une mauvaise planification. Quand on s’en va à la guerre, tu calcules tout ce qu’il te faut.

Une stratégie pancanadienne espérée

Aux yeux de cette experte scientifique, qui conseille Justin Trudeau, les critères différents, établis par chaque province, nuisent à « l’uniformisation » des mesures sanitaires. Cette situation de crise requiert peut-être une meilleure coordination à travers le pays. C’est une belle occasion pour avoir une stratégie pancanadienne. Il y a des justifications sanitaires et scientifiques, défend-elle, tout en soutenant que ni l’Ontario ni le Québec ne testent suffisamment à l’heure actuelle.

Un manque de personnel à Montréal

Alors que Québec vise environ 14 000 tests d’ici la fin de semaine, les résultats ne seraient pas encore au rendez-vous. On est autour de 7000, a admis mercredi le directeur de santé publique de la province, Horacio Arruda.

Des experts, consultés par Radio-Canada, ont évoqué « une capacité théorique », mais qui serait difficilement transposable sur le terrain. De nombreux doutes ont déjà été exprimés. Les réactifs [pour l’analyse des prélèvements], on les a au jour le jour. Tout le monde se demande si on en aura assez pour le lendemain, confie, par exemple, une épidémiologiste d’un établissement hospitalier montréalais.

Le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) soutient néanmoins n’avoir « aucune pénurie » en vue de réactifs ou d’écouvillons, mais refuse toujours de dévoiler l’état des stocks.

À Montréal, on manquerait également de personnel, à la fois pour mener des enquêtes afin de retracer les mouvements d’un cas positif et pour organiser les cliniques mobiles, dans des autobus. Les autorités sanitaires, avares de commentaires, n’ont pas confirmé ou nié ces informations. On est en recrutement pour les cliniques mobiles, a néanmoins reconnu un porte-parole du CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal.

Ces différents problèmes « inquiètent » la conseillère scientifique de Justin Trudeau, qui ne cache pas qu’il y a encore « absolument du boulot ».

Lorsqu’on dit qu’on a la capacité de faire 14 000 tests, ça veut dire qu’on a assez de machines, d’équipements et de personnel. Mais s’il manque une de ces données, c’est qu’on n’a pas la capacité de le faire.

Le gouvernement du Québec n’utiliserait pas toutes les ressources à sa disposition pour revoir à la hausse le dépistage, dit-elle, en citant la proposition de l’Institut de recherches cliniques de Montréal (IRCM) de mener près de 400 tests quotidiens. Je ne comprends pas. Ils ont les bras, le matériel, et on ne les utilise pas, mentionne celle qui a déjà travaillé dans cet institut affilié à l’Université de Montréal.

Contacté par Radio-Canada, Martin Sauvageau, chercheur principal à l’IRCM, confirme que leur laboratoire n’est pas utilisé pour le moment pour le dépistage de la COVID-19, mais que « des discussions sont en cours ».

Un dépistage communautaire mis de l’avant

Mona Nemer défend également l’idée d’un « dépistage communautaire ». Il faudrait, affirme-t-elle, tester aléatoirement les gens qui n’ont pas de symptômes, pour éviter qu’ils ne contaminent d’autres personnes, notamment dans la perspective d’un retour au travail.

À l’heure actuelle, même si Québec vient d’élargir l’accès au dépistage, les priorités visent toujours les patients symptomatiques, les travailleurs de la santé ou ceux ayant eu des « contacts étroits » avec des personnes positives.

Ne pas tester les gens alors qu’ils sont chez eux, c’est correct, admet-elle. Mais maintenant, les gens retournent travailler. Il faudrait même le faire avant de déconfiner, pour avoir une ligne de départ. Il faudrait aussi dépister régulièrement tous ceux qui travaillent dans un CHSLD, ne pas attendre des symptômes.

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