Éducation : les centres de services peuvent exiger la cession d’immeubles municipaux
Écrit par Radio Centre-Ville sur 10 février 2020
La Loi 40 sur la réforme des commissions scolaires, adoptée samedi sous bâillon, donne désormais le droit aux nouveaux centres de services scolaires d’exiger des municipalités la cession d’immeubles, et ce, gratuitement dans les localités où ils seront en opération. Or, selon le Parti québécois, cet amendement a été « déposé en douce », vendredi soir, sans que les municipalités n’aient pu s’exprimer sur le sujet.
En plus d’avoir intégré vendredi un amendement de dernière minute abolissant les postes de commissaire dès la sanction de la loi, le gouvernement Legault a ajouté un autre amendement de sept pages octroyant de nouveaux droits aux futurs centres de services.
Il est notamment stipulé par l’article 114 qu’un « centre de service peut requérir d’une municipalité locale qu’elle lui cède, à titre gratuit, un immeuble à des fins de construction ou d’agrandissement d’une école ou d’un centre. »
La direction de l’Union des municipalités du Québec (UMQ), qui a réagi vivement dimanche, a indiqué qu’elle n’a été informée qu’au dernier moment de l’existence de cet amendement. Un passage en force qui soulève l’indignation au sein de l’organisation.
Nous sommes en profond désaccord avec cette décision du gouvernement qui va totalement à l’encontre des recommandations que nous avons formulées dans le cadre des consultations sur le projet de Loi 40.
La pratique du gouvernement a été dénoncée à deux reprises sur Twitter par la porte-parole du Parti québécois (PQ) en matière d’éducation, Véronique Hivon. La députée de Joliette évoque des « amendements-surprises », des articles « déposés en douce », qui iraient à l’encontre des « principes de respect démocratique et de transparence ».
Suites du bâillon: un amendement de 7 pages a été déposé en douce (même après l’étude restreinte de 5 heures!) créant un droit pour les nouveaux centres de services d’exiger des municipalités la cession d’immeubles gratuitement. @UMQuebec et @FQMenligne avisées? D’accord? pic.twitter.com/1FgzdBe24c
— Véronique Hivon (@vhivon) February 9, 2020
Harold LeBel, député de Rimouski sous la bannière du PQ, a également tenu à s’exprimer sur cette façon de procéder qu’il qualifie d’ « assez effrayante » pour la démocratie.
Cet amendement a été déposé au milieu de la nuit, à la toute dernière minute, et nous avons été obligés de l’adopter
, explique le député.
Personne n’était au courant. Personne n’a pu en discuter. On n’a eu aucune chance. C’est un exemple de ce gouvernement qui n’écoute personne et qui “bulldoze” des lois.
Le député péquiste a également parlé d’un projet de loi « bâclé et improvisé ». Des propos qui ravivent la polémique qui a entouré le recours au bâillon pour faire adopter cette réforme contestée des commissions scolaires.
Un amendement « légitime », se défend la CAQ
Sans véritablement s’exprimer sur la façon de faire adopter cet amendement, le gouvernement caquiste considère qu’il est tout à fait légitime que les municipalités participent à l’implantation de ces centres de services.
Cette mesure devait initialement être intégrée à une autre pièce législative, mais afin de s’attaquer plus rapidement et plus efficacement à la problématique d’espaces pour la construction d’écoles, dont les municipalités sont d’ailleurs conscientes, il a été décidé de l’intégrer à la Loi 40.
Pour M. Bouchard, la situation actuelle impliquait un renforcement de la collaboration entre le milieu municipal et le milieu scolaire. D’après le ministère, les municipalités sont les mieux placées pour cibler les terrains requis pour les écoles.
« Il est inacceptable que de nombreux projets de construction d’écoles soient retardés en raison d’une problématique liée à la disponibilité de terrains », a-t-il déclaré, évoquant la « solution innovante et durable » mise en place par le gouvernement Legault.
L’attaché de presse du ministre Roberge a également rappelé que les centres de services scolaires et les municipalités auront deux ans pour s’entendre.
Loi controversée adoptée sous bâillon
Après avoir passé plus de 70 heures depuis en octobre 2019 à examiner en détails le projet de loi, qui comporte 300 articles et modifie 80 lois existantes, le gouvernement de François Legault a finalement imposé un bâillon vendredi pour faire adopter la Loi 40 sur la réforme des commissions scolaires. Le projet de loi a finalement été adopté peu après 3 h samedi matin.
Accusant les partis d’opposition de multiplier les mesures dilatoires en commission parlementaire pour retarder l’adoption de la loi, le ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge avait affirmé à la fin janvier qu’il n’hésiterait pas à recourir au bâillon pour faire en sorte que la transformation des structures scolaires soit achevée avant le 1er juillet prochain.
M. Legault tenait à concrétiser rapidement sa promesse électorale de décentraliser les pouvoirs dans le réseau de l’éducation québécois et avait lui aussi fait savoir qu’il considérait que « l’étude du projet de loi 40 avait été assez longue et que tous les arguments [avaient] été dits ».
Le texte de loi implique une série de changements dans la Loi sur l’instruction publique et la gouvernance scolaire, dont la transformation des commissions scolaires en centres de services, l’abolition des élections scolaires dans les districts francophones et un pouvoir plus important accordé aux comités de parents dans la direction des futurs centres de services.
Il s’agit du quatrième bâillon imposé par le gouvernement caquiste en huit mois, ce qui a attisé les tensions au sein de l’opposition, qui a accusé le gouvernement de couper court au débat.
Alors que les députés péquistes et libéraux ont a maintes reprises déploré l’empressement avec lequel le gouvernement Legault a fait adopter un projet de loi complexe qui aura, selon eux, des répercussions considérables sur l’organisation scolaire au Québec, la Fédération autonome de l’enseignement s’est également vivement opposée à la décision de Québec.
Des représentants de commissions scolaires ont eux aussi qualifié l’adoption du projet de loi de « violence politique » infligée au milieu de l’éducation, tandis que le président de la Fédération des commissions scolaires du Québec (FCSQ), Alain Fortier, a dénoncé l’élimination d’un palier démocratique.
Selon M. Fortier, le ministre Roberge aurait pu tenir sa promesse de ne pas organiser d’élections scolaires en 2020 en repoussant la date de celles-ci, puis procéder à une réforme de la gouvernance. De cette façon, il aurait été possible d’obtenir un consensus citoyen, a-t-il précisé.
Les commissions scolaires anglophones ont également contesté projet de loi.