Du sable dans l’engrenage de la création d’un ordre pour les orthopédagogues

Écrit par sur 4 mars 2020

L’Office des professions du Québec (OPQ) imposerait des exigences de documentation « un peu excessives » aux orthopédagogues qui souhaitent se créer un ordre professionnel. Après plus de deux ans de démarches, leur association réclame une rencontre à court terme en compagnie des ministères de l’Éducation et de la Justice pour faire le point.

L’idée de créer un ordre professionnel pour les plus de 2000 orthopédagogues au Québec fait l’objet de discussions sérieuses depuis une vingtaine d’années. Le gouvernement précédent a concrétisé leur souhait en l’inscrivant dans les pistes d’action de la Politique sur la réussite éducative en 2017. Le ministre de l’Éducation Jean-François Roberge voit aussi d’un œil favorable ce projet.

L’OPQ exigeait il y a un an, selon des informations obtenues en vertu de la Loi sur l’accès aux documents, que l’Association des orthopédagogues du Québec (AODQ) lui fournisse une démonstration crédible de l’existence de risques pour le public avant de décider s’il procédera à l’examen d’une demande d’encadrement. Il s’agit de la probabilité et de la gravité des conséquences de préjudices potentiels, en plus de cas vécus.

L’Association estime avoir déposé en 2018 un dossier suffisamment étoffé pour démontrer la nécessité d’un ordre, dont le mandat premier serait de protéger les élèves. Le métier d’orthopédagogue est d’intervenir auprès des jeunes avec des difficultés d’apprentissage en lecture, en écriture et en mathématique. La plupart des autres spécialistes de l’éducation (travailleurs sociaux, psychologues, psychoéducateurs, ergothérapeutes, conseillers d’orientation) disposent déjà d’un ordre professionnel.

Une rencontre demandée

Dans une lettre acheminée le 2 mars à l’OPQ, la présidente de l’ADOQ, Isabelle Gadbois, explique ne pas pouvoir rendre compte de la documentation supplémentaire demandée : Aucune instance, infrastructure ou procédure n’a jamais été créée à cette fin ni n’a reçu le mandat de compiler ces situations ou d’encadrer la pratique.

Si la démonstration du préjudice ne pouvait se faire que par la divulgation de ces informations, nous nous retrouverions encore ici dans une impasse.

En entrevue, elle indique que des enjeux d’éthique et de confidentialité surgissent, car il serait « très délicat » pour des gens ayant subi des préjudices ou des témoins de préjudices d’en discuter.

Une rencontre avec l’OPQ est donc demandée dans la lettre « afin d’éviter des délais supplémentaires » et de faire état de la démonstration demandée de « vive voix ».

On est arrivés au bout du chemin; il est temps de s’asseoir à la même table, affirme Mme Gadbois avant d’ajouter que la documentation demandée est « un peu excessive ».

Des services « hautement préjudiciables »

L’encadrement de la profession, insiste-t-elle, est nécessaire pour la protection du public, ne serait-ce que pour clarifier ce qu’est un orthopédagogue et pour imposer des obligations en matière de formation continue.

L’ADOQ évoque en exemple des enseignants qui vont se retrouver dans des postes d’orthopédagogue par divers chemins, sans formation universitaire spécifique préalable, et devoir évaluer des élèves en plus de monter des plans éducatifs.

Il y a des parents qui, bien naïvement, vont penser que leur enfant est vu par un orthopédagogue au sens où nous l’entendons, souligne la présidente. […] Le public peut se retrouver à recevoir des services qui sont nommés “orthopédagogie”, mais qui ne le sont pas.

Ces services seraient hautement préjudiciables puisque la réussite scolaire éventuelle mène à de meilleures conditions de vie et d’employabilité plus tard.

L’Office des professions du Québec n’a pas voulu commenter le dossier, étant donné que des travaux d’analyse et d’encadrement sont en cours. L’organisme prévoit en effet, selon son guide d’analyse préliminaire des demandes d’encadrement professionnel, un long processus pour évaluer le risque de préjudice et conduire à une recommandation au gouvernement. Il reviendra ensuite à la ministre de la Justice, Sonia Lebel, de déposer ou non un projet de loi pour créer un ordre professionnel.

Ces derniers développements montrent toute la complexité d’une demande d’incorporation professionnelle. Dès le début de son mandat, le ministre Jean-François Roberge a d’ailleurs rapidement abandonné son idée de créer un ordre pour les enseignants comme c’est le cas en Ontario.


En ce moment

Titre

Artiste

Background