COVID-19 : à quoi bon parlementer ?
Écrit par Radio Centre-Ville sur 11 avril 2020
Cette semaine, le spectre de la COVID-19 a mis le feu aux poudres à l’Assemblée législative de l’Alberta, alors que les députés se sont déchirés sur la nécessité de légiférer sur des projets de loi non essentiels en période de pandémie.
L’Assemblée législative a été le théâtre d’échanges musclés entre les familles politiques qui ne s’entendent pas sur le rôle de l’institution en pleine crise de la COVID-19.
Si les députés conservateurs estiment que les Albertains s’attendent à les voir poursuivre les travaux législatifs, leurs homologues néo-démocrates ont soulevé, à maintes reprises, leurs craintes de devenir des vecteurs de contamination pour leurs collaborateurs, mais aussi pour les citoyens qu’ils peuvent rencontrer lorsqu’ils retournent dans leurs circonscriptions… Et ce, même si les mesures de distanciations sociales sont respectées au sein de l’institution.
Travaux (parlementaires) forcés
Au pays, les activités des assemblées ont été réduites dans la majorité des provinces et des territoires où les députés ont cessé de siéger quotidiennement dès la troisième semaine de mars.
En Alberta, les députés continuent de se réunir trois fois par semaine, soit du mardi au jeudi. Ils débattent, du matin au soir, pour permettre au gouvernement de mettre en place des mesures pour endiguer la pandémie et freiner ses effets dévastateurs sur l’économie.
Toutefois, deux des trois lois qui ont animé les débats cette semaine n’avaient aucun lien avec la crise sanitaire actuelle : le projet de loi 3, sur les locations de sites de maisons mobiles et le projet de loi 8, contre le trafic d’êtres humains.
Je représente les citoyens et ils s’attendent à ce que je sois ici pour faire mon travail
, a convenu la députée néo-démocrate de Saint-Albert, Marie Renaud, lors du débat de mercredi. Mais, ils ne s’attendent pas à ce que je sois ici pour des raisons non essentielles. Ils s’attendent à ce que je suive les règles comme tous les autres Albertains, et cela signifie faire tout ce que nous pouvons pour assurer la sécurité des gens.
En réponse à ces inquiétudes, le whip adjoint du caucus du gouvernement, Joseph Schow, a suggéré à Mme Renaud et à ses collègues néo-démocrates de se mettre au travail et d’arrêter de pleurnicher.
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, leur a-t-il adressé.
Montrer l’exemple
Jeudi, le premier ministre albertain, Jason Kenney, a lui aussi balayé du revers de la main les inquiétudes de l’opposition.
La santé de personne n’est mise en danger
, a-t-il soutenu. L’Assemblée va continuer de fonctionner en suivant les recommandations des médecins hygiénistes de la province, qui nous permettent de siéger en respectant [les mesures sanitaires].
La médecin hygiéniste en chef de l’Alberta, la Dre Deena Hinshaw, impose aux députés de pratiquer la distanciation sociale et a exigé qu’ils disposent de produits désinfectants pour les mains.
Photo : CBC / Art Raham
Même en temps de crise, les travaux démocratiques ne s’arrêtent pas. La Chambre des communes britannique s’est réunie tous les jours pendant les offensives de la Luftwaffe au-dessus de Londres.
Le gouvernement et l’opposition se sont entendus pour qu’il n’y ait pas plus de 50 personnes en chambre à la fois. Les ministres siègent en laissant un fauteuil vide entre eux et les députés de l’opposition se relaient en chambre pour prendre la parole.
Pour la cheffe de l’opposition, Rachel Notley, ces mesures ne sont pas suffisantes. Elle estime, elle aussi, que les députés s’exposent à des risques inutiles, en particulier quand ils sont convoqués pour débattre de projet de lois qui pourraient, selon elle, attendre la fin de la pandémie.
Je ne pense pas que nous donnons le bon exemple aux Albertains.
À l’inverse, Jason Kenney a fait valoir que plus d’un million d’Albertains continuaient de se rendre sur leurs lieux de travail tous les jours, pour permettre à la société de fonctionner.
Il est tout à fait normal qu’ils s’attendent à ce que leurs élus travaillent aussi
, a-t-il ajouté.
Pour Mme Notley, ces sessions parlementaires pourraient se dérouler par vidéoconférence, comme cela se fait en Colombie-Britannique. Les néo-démocrates en ont fait la proposition il y a trois semaines, mais elle a été rejetée, déplore Mme Notley.
Le gouvernement instrumentalise, selon elle, la pandémie pour imposer ses politiques sans qu’elles fassent l’objet de discussions approfondies, comme le dernier budget qui a été adopté après trois heures de débats.
Avec les informations de Michelle Bellefontaine.