Budget : entre la transparence et l’imprévisible

Écrit par sur 16 mai 2020

Le 11 mars, Bill Morneau annonçait à la Chambre des communes qu’il déposerait son budget le 30 du même mois. Deux jours plus tard, les partis s’entendaient pour suspendre les travaux du Parlement en raison de la COVID-19. En quelques jours, il est devenu évident pour le ministre des Finances que les ajustements prévus aux prévisions ne suffiraient plus. Le cinquième budget Morneau a finalement été envoyé à la déchiqueteuse. Depuis, personne n’a évoqué d’échéance pour le dépôt de la prochaine version.

Alors que le pays se prépare à sortir de crise et à relancer son économie, ils sont de plus en plus nombreux à réclamer un bilan des finances fédérales. Or, le gouvernement ne semble pas très pressé de mettre à jour son fichier Excel. Un budget aujourd’hui ne vaudrait pas le papier sur lequel il serait imprimé, indique une source gouvernementale.

Les choses bougent trop vite. Les prévisions sont imprécises. La marge d’erreur est énorme. Certains prévisionnistes du secteur privé estiment que le produit intérieur brut canadien se contractera de 6 % cette année. Le directeur parlementaire du budget, lui, prévoit plutôt un recul de 12 points de pourcentage.

%”,”text”:”Normalement, les différences sont de 1%”}}” lang=”fr”>Normalement, les différences sont de 1 %, signale un analyste d’une grande banque canadienne. Cela voudrait dire, pour le fédéral, une perte de revenu qui oscillerait entre 50 et 100 milliards de dollars. Si le gouvernement déposait un budget aujourd’hui, il pourrait être obsolète dans trois semaines.

D’autres pensent que le ministre pourrait simplement déposer un document avec deux scénarios. Une espèce de fourchette entre le meilleur et le pire des cas. Cela aurait le mérite d’offrir une mise à jour de l’état des finances du pays aux Canadiens.

Difficile, mais nécessaire

Ceux qui militent en faveur d’un budget estiment qu’il s’agit d’une question de transparence, même si la plupart admettent que la situation complique les choses. Plus difficile, ça ne veut pas dire moins nécessaire, affirme une source très au fait du processus budgétaire du gouvernement.

Cette source cite le budget déposé en décembre 2001 après les attentats de New York ou celui déposé le 27 janvier 2009 en pleine crise économique. Ces deux documents ont permis aux gouvernements d’expliquer l’approche qu’ils voulaient favoriser, malgré les incertitudes.

C’est une décision politique de ne pas présenter un budget, affirme la source, qui souligne aussi que le document pages”,”text”:”n’a pas besoin d’avoir 400pages”}}” lang=”fr”>n’a pas besoin d’avoir 400 pages, qu’un simple plan sur quelques pages ferait l’affaire.

Un analyste du secteur financier partage cet avis. C’est nécessaire pour les Canadiens qui se préoccupent de l’économie et c’est important pour les marchés financiers, dit-il.

Deux visions politiques

Le mot budget n’a pas fait partie du vocabulaire de Justin Trudeau ou de Bill Morneau récemment. On n’est pas dans un cycle de quatre à cinq ans, confiait une source, on est dans un cycle de quatre ou cinq mois.

Le gouvernement estime aussi avoir expliqué clairement aux Canadiens ce qu’il dépense depuis le début de cette crise, entre autres avec les documents déposés régulièrement devant le comité des Finances. Ce qu’on a fait jusqu’à maintenant, c’est comme un budget, ajoute la source.

Sauf que selon les conservateurs, l’ampleur du plan commande une mise au point formelle. milliards de dollars, c’est essentiel de montrer aux Canadiens le plan pour rouvrir l’économie, pour augmenter l’activité économique et un plan de contrôler le budget du gouvernement fédéral”,”text”:”Nous croyons qu’avec le montant d’argent que [le gouvernement] dépense, presque 200milliards de dollars, c’est essentiel de montrer aux Canadiens le plan pour rouvrir l’économie, pour augmenter l’activité économique et un plan de contrôler le budget du gouvernement fédéral”}}” lang=”fr”>Nous croyons qu’avec le montant d’argent que [le gouvernement] dépense, presque 200 milliards de dollars, c’est essentiel de montrer aux Canadiens le plan pour rouvrir l’économie, pour augmenter l’activité économique et un plan de contrôler le budget du gouvernement fédéral, affirmait le chef conservateur, Andrew Scheer, vendredi matin.

Budget ou mise à jour

En coulisses, on comprend qu’à court terme, le gouvernement semble plus enclin à déposer une mise à jour économique. Un budget, c’est un plan de dépense à long terme; une mise à jour, c’est l’état de la situation, indique une source aux finances.

L’état des livres n’est peut-être pas reluisant, mais il est évaluable. Les fonctionnaires du ministère des Finances sont d’ailleurs en constante discussion avec les économistes et les analystes du secteur privé et pourraient pondre quelque chose assez rapidement. Les fonctionnaires sont sûrement prêts, indique une source, le politique, peut-être pas.

Si la pandémie permettait aux libéraux de justifier les dizaines de milliards de déficit que plusieurs anticipent, l’opposition ne manquera pas d’utiliser les chiffres pour appuyer ses attaques. Ils le font déjà, précise un observateur, en se servant des calculs du directeur parlementaire du budget, par exemple. Il estime que le gouvernement pourrait tout à fait tirer son épingle du jeu, en justifiant les dépenses et en accusant ses adversaires de prôner un retour à l’équilibre en préconisant des réductions dans les programmes ou les services.

La plupart de ceux qui ont été consultés pour ce texte pensent qu’une mise à jour d’ici l’été est probable. Plusieurs estiment aussi qu’un budget pourrait alors être déposé à l’automne. Une année complète sans budget, dit l’un d’eux, ce serait impensable.

Mais l’impensable, c’est aussi un peu devenu la norme, depuis deux mois.


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