« Très grande déception » d’exclure les demandeurs d’asile de la formation aux préposés

Écrit par sur 3 juin 2020

Avec ce programme de trois mois, Québec veut pallier le manque de bras dans le réseau de la santé. Ces personnes, après la formation, seront ensuite amenées à travailler dans les CHSLD.

Malgré le besoin important de personnel, le gouvernement provincial ne permettra pas aux demandeurs d’asile de participer à la formation.

Pour ce qui est des demandeurs d’asile, non, ça prend un statut de citoyen pour s’inscrire.

Pourtant, dans les faits, un statut de citoyen canadien n’est pas indispensable pour s’inscrire à une formation publique.

Le Guide des services offerts pour les demandeurs d’asile (Nouvelle fenêtre), réalisé par le gouvernement du Québec, est limpide. Les demandeurs d’asile peuvent poursuivre des études en tant qu’adultes.

Le parcours est cependant ardu, prévient l’avocat en immigration, Stéphane Handfield. Les demandeurs d’asile sont alors considérés comme des étudiants étrangers. S’ils veulent étudier, il peut y avoir des frais importants de scolarité. C’est une grande barrière, puisqu’on sait qu’ils ne roulent pas sur l’or, explique-t-il.

Contrairement aux citoyens canadiens et aux résidents permanents, les demandeurs d’asile doivent aussi obtenir au préalable un certificat d’acceptation du Québec (CAQ), qui permet de recevoir un permis d’études. Celui-ci est délivré par le gouvernement fédéral.

Si ces conditions sont remplies, un demandeur d’asile peut alors suivre une formation publique. Rien ne l’empêche cependant de suivre un cours privé.

Une formation rémunérée de trois mois

La formation de 375 heures, proposée entre le 15 juin et le 15 septembre, sera rémunérée 760 $ par semaine. Par la suite, les personnes qui l’auront suivie obtiendront un emploi à temps plein dans un CHSLD, rémunéré 49 000 $ par an avec tous les avantages sociaux, a précisé François Legault. Il y aura une partie théorique en centre de formation professionnelle (120 heures) et une partie pratique en milieu de travail (255 heures).

Une contradiction, déplore la Maison d’Haïti

Le gouvernement Legault pourrait-il revoir les règles d’accès au système éducatif? Dans l’idéal, il faudrait une collaboration avec le gouvernement fédéral, assure Stéphane Handfield.

Mais au final, ce n’est pas juste les demandeurs d’asile qu’on exclut de la possibilité d’accéder à ce programme, ce sont tous ceux dans ce cas qui ne sont ni citoyens ni résidents permanents, ajoute-t-il.

Du côté de la Maison d’Haïti, un organisme qui vient en aide aux immigrants à statut précaire, on ne comprend pas cette restriction évoquée par François Legault.

Ce dernier a néanmoins récemment promis d’analyser le statut d’immigration des demandeurs d’asile qui ont œuvré dans les établissements de santé durant la crise, afin qu’ils puissent obtenir leur résidence permanente. Ces dossiers seront traités au cas par cas, a spécifié le premier ministre.

C’est complètement contradictoire. Il y a beaucoup de demandeurs d’asile qui sont intéressés par cette formation.

Selon Marjorie Villefranche, cette décision va pousser les demandeurs d’asile à continuer de travailler avec des agences de placement. Comme l’a révélé en début de semaine Radio-Canada, de nombreux demandeurs d’asile, parfois mal formés, sont envoyés d’établissement en établissement par ces agences. Un ménage dans ce système et une enquête publique ont d’ailleurs été réclamés par les partis d’opposition.

Ces gens aimeraient avoir une meilleure formation, ils se sentiraient plus en sécurité. Beaucoup seraient intéressés. Si le premier ministre le voulait, il pourrait changer les règles, reprend Marjorie Villefranche.

Alors qu’il était en visite chez la veuve de Marcelin François, un demandeur d’asile qui travaillait comme préposé, qui est décédé de la COVID-19 et dont l’histoire avait ému le Québec, Frantz André a appris la mauvaise nouvelle.

Le président du Comité d’action des personnes sans statut avait reçu des centaines d’appels, messages et courriels depuis l’annonce de François Legault, la semaine passée, concernant le recrutement de milliers de préposés.

C’est une très grande déception, clame-t-il.

Il y a une forme de détresse. On sent que ces gens sont encore abandonnés alors qu’on les appelle les anges gardiens.

Un système à deux vitesses, selon une élue libérale

Paule Robitaille, députée libérale de Bourassa-Sauvé, un secteur où de nombreux demandeurs d’asile sont installés, soutient que le gouvernement Legault va se priver de centaines de personnes au statut précaire.

C’est extrêmement décevant. Ces gens sont prêts à donner un coup de main, ils sont là, ce sont des bras disponibles, soutient Paule Robitaille, qui se dit inquiète d’un système à deux vitesses.

Est-ce que le Québec peut se permettre ça? Ce sont des paires de bras qui sont là, prêtes à nous venir en aide.

Des gens vont donc continuer de travailler avec des agences, ils feront un travail similaire, mais ils auront un salaire et une formation différents, spécifie-t-elle.

Un responsable du milieu éducatif, dans l’est de Montréal, a lui aussi confié à Radio-Canada son étonnement. Il n’y a quasiment aucun jeune qui veut s’embarquer habituellement dans des formations de préposés. Les demandeurs d’asile, c’est une clientèle qui aimerait ce travail et qui va rester dans l’emploi. On se prive d’un potentiel important, soutient-il.

Par ailleurs, à la fin de mai, le ministre de l’Immigration, Simon Jolin-Barrette, a annoncé la création prochaine d’un programme pilote d’immigration permanente visant à réserver 550 places annuellement à des personnes préposées aux bénéficiaires venant de l’étranger.


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