La recherche est sacrifiée pour abaisser les prix, dit l’industrie pharmaceutique
Écrit par Radio Centre-Ville sur 24 mai 2020
L’entrée en vigueur d’un nouveau règlement qui vise à réduire le prix des médicaments brevetés pourrait affaiblir le secteur de la recherche pharmaceutique au pays, prévient l’industrie. Elle demande au gouvernement de lui donner plus temps, d’autant que la pandémie démontre l’importance du secteur au Canada.
L’industrie est mobilisée comme jamais pour mettre en oeuvre un nouveau traitement contre la COVID-19
, lance la PDG de Merck Canada, Anna Van Acker. Selon elle, la COVID-19 démontre à quel point le secteur de la recherche est complexe et dépend beaucoup de la collaboration entre différents secteurs.
Quelle est la réforme?
Les modifications réglementaires sont les plus importantes depuis 1987. Le Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés (CEPMB), pour déterminer le prix maximal de vente d’un médicament, comparait les prix de vente au détail avec d’autres pays. La nouvelle modification prévoit d’enlever de la liste les États-Unis et la Suisse, les deux pays les plus chers au monde.
Le CEPMB sera aussi informé du coût réel du médicament sur le marché et il pourra déterminer si le prix d’un médicament reflète réellement sa valeur pour les patients.
Il faut avoir un écosystème qui permet d’investir, dit-elle. Le besoin d’innover est plus important que jamais en raison de la pandémie
.
La nouvelle réglementation d’Ottawa ne devrait pas avoir d’effet direct sur la recherche de solution contre la COVID-19 et sur l’accès à un éventuel vaccin, elle pourrait néanmoins avoir des conséquences à long terme sur le secteur de la recherche.
Ça remettra en péril la capacité des entreprises à continuer à investir en recherche au Québec et au Canada
, affirme Mme Van Acker.
C’est aussi ce que croit Anie Perrault, directrice générale de BioQuébec, qui représente l’industrie de la recherche en biotechnologie au Québec.
On s’attend à des répercussions qui vont faire en sorte qu’il va y avoir moins d’investissements, donc moins de recherche clinique
, explique-t-elle.
Le nouveau règlement pourrait aussi retarder l’arrivée sur le marché de nouveaux médicaments, prévient-elle.
En réduisant le prix des médicaments, dans un environnement canadien, à côté des États-Unis, ça peut avoir un impact sur la décision que les entreprises vont prendre de lancer ou non un médicament au Canada
, soutient-elle.
Pourquoi la réforme?
Les prix des médicaments brevetés au Canada sont parmi les plus élevés au monde. Selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), le Canada est au troisième rang des pays où les prix sont les plus élevés. L’adoption des nouvelles mesures devrait permettre de réduire la facture de 13 milliards de dollars sur 10 ans.
Pour le professeur Marc-André Gagnon, spécialiste des politiques pharmaceutiques à l’Université Carleton, les réformes proposées par Ottawa étaient devenues absolument nécessaires
.
Le problème réel est que les coûts des médicaments sont en train d’exploser et on n’avait pas d’outils pour permettre de mieux contenir les coûts
, explique-t-il.
Selon lui, le gouvernement a proposé une série de règlements sensés qui sont solides et qui permettent de mieux réorganiser les incitatifs financiers pour les firmes pour faire en sorte qu’elles vont maximiser la valeur thérapeutique pour la population canadienne
.
Le problème, c’est que si on a un système qui fonctionne bien, c’est un système qui risque d’être émulé par d’autres pays, c’est ça la grande crainte
, dit-il.
De son côté, le gouvernement Trudeau évalue la possibilité de retarder l’entrée en vigueur de sa nouvelle réglementation.
Les changements que nous avons faits aux règles qui encadrent les prix des médicaments brevetés visent à faire baisser ces prix au bénéfice des Canadiens, a indiqué un porte-parole de la ministre de la Santé. Ces changements seront mis en place.
Le gouvernement Trudeau évalue toutefois la possibilité de retarder son entrée en vigueur pour éviter qu’il y ait des conséquences dans sa réponse à la COVID-19