Plaidoyer pour un meilleur traitement des plaintes en santé

Écrit par sur 19 avril 2020

La crise qui secoue actuellement les résidences pour personnes âgées du Québec accroît l’urgence de revoir le mécanisme de traitement des plaintes dans le réseau de la santé, plaident des groupes de défense des usagers.

La pandémie de COVID-19 a exacerbé la vulnérabilité de certaines catégories de patients, à commencer par les résidents des CHSLD et autres milieux de vie pour aînés.

Dans ce contexte, l’accès à un régime d’examen des plaintes efficace et transparent apparaît plus essentiel que jamais pour veiller au maintien et à l’amélioration de la qualité des soins offerts à la population.

Or, cet accès varie grandement à l’intérieur du réseau de la santé. À titre d’exemple, des usagers ignorent même parfois que ce mécanisme de plaintes existe à l’intérieur de leur établissement.

CHSLD, vous allez vous rendre compte que dans beaucoup de cas, on ne transmet pas au résident et à sa famille les renseignements sur le régime des plaintes”,”text”:”Si vous regardez quelques évaluations faites en CHSLD, vous allez vous rendre compte que dans beaucoup de cas, on ne transmet pas au résident et à sa famille les renseignements sur le régime des plaintes”}}” lang=”fr”>Si vous regardez quelques évaluations faites en CHSLD, vous allez vous rendre compte que dans beaucoup de cas, on ne transmet pas au résident et à sa famille les renseignements sur le régime des plaintes, fait remarquer Pierre Blain, président-directeur général de l’organisme Les usagers du réseau de la santé.

Pierre Blain, président-directeur général de l’organisme Les usagers de la santé du Québec

Photo : Radio-Canada

Savoir qu’un tel régime est accessible ne facilite pas pour autant la tâche des patients qui souhaitent formuler une plainte, précise M. Blain, puisque les commissaires chargés de les recevoir ne sont pas joignables en tout temps.

Dans les [établissements] privés non conventionnés, souvent, ces gens-là travaillent une journée par mois ou quelque chose du genre. Comment peut-on porter plainte quand la personne n’est pas là?

« Intimidant » de porter plainte

Autre problème : dans les établissements de la santé, le bureau du commissaire aux plaintes est souvent situé à proximité de celui de la direction générale, une situation susceptible de décourager les patients désireux d’exprimer leur insatisfaction à l’égard des services reçus.

Ça peut être intimidant pour un usager, qui est déjà en situation de vulnérabilité, d’aller dans le bureau du commissaire aux plaintes pour porter plainte devant le regard de la direction, mentionne Patricia M. Gagné, directrice générale du Regroupement provincial des comités des usagers (RPCU).

Patricia M. Gagné, directrice générale du Regroupement provincial des comités des usagers

Photo : Radio-Canada / Nicolas Bilodeau

En plus de leur proximité physique, le lien hiérarchique entre les commissaires aux plaintes et les directions d’établissement pose également problème. Les commissaires, note Mme Gagné, ne sont pas tous à l’abri des pressions exercées par leur employeur.

Les commissaires aux plaintes […] sont payés par la direction générale et ils sont sur place, donc, c’est sûr qu’ils sont très, très près. Parfois, ce qu’on constate, c’est que manifestement, il y a eu de l’influence sur le traitement d’une plainte de l’établissement, observe-t-elle.

Pour éviter ce genre de situation, la directrice générale du RPCU réclame une indépendance totale des commissaires aux plaintes.

Imposer les recommandations

Pierre Blain abonde dans le même sens. Il croit en outre que les commissaires devraient avoir le pouvoir d’imposer certaines de leurs recommandations.

Dans des situations où la sécurité ou la dignité des usagers sont signalées au commissaire, sa recommandation devrait avoir un caractère impératif, écrit M. Blain dans une lettre envoyée lundi dernier à la ministre de la Santé, Danielle McCann.

La crise sanitaire a mis en lumière la vulnérabilité des patients hébergés en CHSLD.

Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers

Les associations qui représentent les usagers du réseau de la santé réclament également un meilleur suivi du traitement des plaintes.

Selon Patricia M. Gagné, ce rôle pourrait être confié à la commissaire à la santé et au bien-être, dont l’une des fonctions consiste à apprécier les résultats atteints par le système de santé et des services sociaux.

Elle est en mesure de se pencher sur la façon dont le système de la santé est structuré, sur les ressources dont il dispose, sur les services qu’il rend et sur les résultats qu’il obtient, souligne-t-elle.

Ça pourrait être une avenue intéressante d’avoir un regard comme celui de la commissaire […] sur le traitement des plaintes.

Projet de loi 52

En décembre dernier, le gouvernement Legault a déposé le projet de loi 52, qui vise à renforcer le régime d’examen des plaintes dans le réseau de la santé et des services sociaux.

La proposition législative prévoit entre autres que les commissaires aux plaintes dans les établissements privés relèveront dorénavant du CISSS ou du CIUSSS de leur territoire. Québec espère ainsi être en mesure d’offrir les mêmes services dans le privé qu’au public.

La ministre responsable des Aînés et des Proches aidants, Marguerite Blais, a présenté le projet de loi 52 en décembre dernier.

Photo : Radio-Canada / Sylvain Roy Roussel

L’interruption des travaux de l’Assemblée nationale a toutefois mis sur la glace l’étude du projet de loi en commission parlementaire. Patricia M. Gagné juge la situation suffisamment préoccupante pour demander l’adoption d’une loi ou d’un règlement spécial permettant d’assurer un certain contrôle sur les plaintes qui sont traitées par les commissaires dans les établissements privés et privés non conventionnés.

Ce qu’on demande d’une manière urgente, surtout en temps de crise de la COVID-19, c’est qu’il y ait une uniformisation du traitement des plaintes. Donc, que le cheminement de la plainte et l’accès aux plaintes soient un processus transparent, cohérent et unique, peu importe l’organisation, explique-t-elle.

Reddition de comptes

De son côté, Pierre Blain souhaite une plus grande reddition de comptes des gestionnaires, et ce, au privé comme au public.

Il rappelle qu’à la suite du premier Forum sur les meilleures pratiques en CHSLD présenté en 2016, les présidents-directeurs généraux des établissements du réseau de la santé et des services sociaux ont pris une série d’engagements pour améliorer la qualité et la sécurité des soins et des services offerts.

Le ministre de la Santé devait assurer le suivi des résultats et la reddition de comptes des engagements pris par les PDG, indique Pierre Blain, ce qui n’a pas été fait selon lui.

Ça fait plusieurs fois que je demande si ces évaluations ont été faites et si oui, quels sont les résultats. Je n’ai jamais eu de réponse. Donc, on a des outils qui sont mis en place, mais malheureusement, on ne s’en sert pas pour pouvoir faire une reddition de comptes adéquate à l’intérieur du réseau de la santé, déplore-t-il.


En ce moment

Titre

Artiste

Background