Le rythme Legault et la gestion de la crise de la COVID-19
Écrit par Radio Centre-Ville sur 13 avril 2020
Depuis le début de la crise de la COVID-19, il n’y a qu’un seul patron au Québec, et c’est François Legault. On reconnaît chez lui l’homme d’affaires impatient de faire avancer les choses, qui s’assure de prendre toutes les décisions. Il est seul sur la patinoire politique.
C’est comme une campagne électorale, a précisé l’un de ses conseillers, mais avec 8,5 millions de partisans. C’est vrai que le dernier sondage montre que le gouvernement de la Coalition avenir Québec (CAQ) fait presque l’unanimité au Québec.
Mais tout cela est excessivement fragile.
En ce week-end de Pâques, ce sont les histoires d’horreur que vivent des personnes âgées en CHSLD qui ont retenu l’attention. Le CHSLD Herron de Dorval décroche peut-être la palme de la terreur, mais il y a eu aussi de nombreux morts dans des centres pour personnes âgées à Shawinigan, Lavaltrie, Maria, Sherbrooke, Laval ou Montréal.
Les témoignages de parents fous d’inquiétude pour leurs proches âgés et malades confinés en CHSLD pourraient s’avérer désastreux pour n’importe quel gouvernement. Il n’est donc pas étonnant que François Legault ait annulé son congé samedi pour tenter de rassurer la population. Surtout que le problème du manque de personnel et des soins approximatifs dans les CHSLD est non seulement connu, mais encore largement documenté.
Le déconfinement annonce aussi des jours difficiles pour le gouvernement. François Legault a créé une véritable onde de choc dans les familles du Québec quand il a dit qu’il envisageait de rouvrir les écoles avant le 4 mai. Il a tôt fait de recadrer son message.
En fait, le premier ministre a dû corriger le tir la semaine dernière comme jamais il n’a eu à le faire depuis le début de la crise.
Nouvelles priorités
Dès que la crise a éclaté, le gouvernement de François Legault a revu rapidement ses priorités, qui tournent maintenant autour de deux thèmes : la santé publique et la relance économique.
Une équipe de choc a été formée et l’ensemble des décisions se prennent au bureau du premier ministre, en comité restreint.
Sur le front de la santé, si le premier ministre écoute les directives des scientifiques, il doit s’assurer que les équipes sont sur le terrain et qu’elles ont l’équipement nécessaire pour faire la guerre
. Le chef de l’armée a déjà entrepris de revoir sa stratégie et de redéployer ses soldats.
Avec 778 personnes hospitalisées et 7000 lits disponibles, il n’utilise que 10 % de sa force de frappe. On a d’ailleurs pu constater plusieurs fois depuis le début de la crise un décalage entre les lignes de communication rassurantes de la ministre de la Santé, Danielle McCann, et les échos du terrain où le personnel soignant s’inquiète du manque d’équipement.
La semaine prochaine sera cruciale, surtout que le pic de la pandémie n’a toujours pas été atteint.
Pour ce qui est de la relance économique, François Legault, l’homme d’affaires, a son plan de match. Il s’est entouré des ministres des Finances, Éric Girard; de l’Économie, Pierre Fitzgibbon; du Travail, Jean Boulet et du Conseil du Trésor, Christian Dubé, pour structurer le plan de relance. Ce quintette économique mène les affaires de l’ensemble du gouvernement et évalue actuellement les besoins, que ce soit en matière de transport, de tourisme, de ressources naturelles ou encore de culture.
Pour le reste, la machine gouvernementale tourne au ralenti. Plusieurs ministres sont confinés chez eux et travaillent essentiellement au téléphone. Ils attendent la fin de la crise, tout en gardant leurs dossiers à jour et en rassurant leurs commettants.
Des ministres généralement très présents dans l’actualité, comme le leader parlementaire Simon Jolin-Barrette, la ministre de la Justice Sonia Lebel, ou encore le ministre de l’Environnement Benoit Charrette, doivent se contenter de relayer sur les médias sociaux les consignes du premier ministre.
Les députés ont été encouragés à garder le contact avec les maires de leurs circonscriptions. Pendant la crise, le parti gouvernemental tient deux caucus téléphoniques par semaine. François Legault assiste à une des deux rencontres. Il est d’une patience exemplaire, explique un député, même si les discussions peuvent facilement durer plus de deux heures. Il faut dire que les députés sont ses antennes sur le terrain et le premier ministre les écoute attentivement.
Par exemple, quand le Québec a frôlé la rupture de stock de masques chirurgicaux, plusieurs députés ont relayé les noms d’entreprises dans leurs circonscriptions prêtes à mettre la main à la pâte. Une source rapporte que M. Legault en était à noter lui-même les noms et les numéros de téléphone de ces entreprises. Au sortir du caucus, l’impatient refaisait surface, quelques sous-ministres ont reçu le message.
Interruption des travaux à l’Assemblée nationale jusqu’au 5 mai?
Les partis d’opposition commencent à taper du pied.
En communication politique, on lui donne A+, raconte un libéral. Mais, ils sont unanimes sur un point : ils en ont assez de la gouvernance par décrets.
Les chefs du Parti libéral, de Québec solidaire et du Parti québécois, qui participent deux fois par semaine à une rencontre téléphonique avec le premier ministre, sont dans l’ombre. Les discussions sont privées, ainsi que les propositions qu’ils font.
Ainsi, quand le premier ministre a demandé aux chefs la semaine dernière de consentir à prolonger la suspension de la session parlementaire jusqu’au 5 mai, ils ont mis des conditions. Pierre Arcand, Manon Massé et Pascal Bérubé veulent tenir quatre séances publiques de trois heures chacune d’ici la fin avril. Ils aimeraient pouvoir interroger certains ministres sur les enjeux du jour à l’Assemblée nationale. Le forum, restreint pour favoriser la distanciation physique, s’apparenterait aux interpellations qui se tiennent généralement le vendredi, quand l’Assemblée nationale siège.
François Legault, qui ne raffole pas de la lourdeur des procédures parlementaires, réfléchit à la proposition. C’était avant que n’éclate le drame du CHSLD Herron.