Le gouvernement albertain veut légiférer contre le trafic d’êtres humains
Écrit par Radio Centre-Ville sur 8 avril 2020
Le gouvernement de l’Alberta veut introduire une première définition du trafic d’êtres humains dans la loi provinciale, afin de faciliter les interventions policières et les recours au civil pour les survivants.
Le concept de trafic de personnes est reconnu par le Code criminel, mais pas par la loi albertaine.
« Les survivants doivent recourir à une mosaïque de remèdes et de protections existantes, et ils sont trop nombreux à tomber dans les failles de notre système », déplore le ministre de la Justice, Doug Schweitzer.
C’est ce que le projet de loi 8 cherche à changer.
Il propose d’adopter la définition du terme suggérée par le Protocole de Palerme, qui englobe l’exploitation sexuelle, le trafic d’organe et le travail forcé.
Déposer une réclamation au civil
Il veut également en faire un délit civil. Un survivant ou une survivante pourrait ainsi réclamer des dommages et intérêts à son agresseur au civil.
La directrice du Sexual Assault Centre of Edmonton, Mary-Jane James, croit que c’est une excellente idée : « Il y a très très peu de ces cas qui se rendent jusqu’au procès [au criminel]. S’il n’y a pas de possibilité de rédemption par cette voie, les survivants pourront déposer un recours civil ».
Obtenir une réparation financière peut offrir un certain soulagement aux personnes trafiquées, pense également Jessica Brandon qui est responsable de la formation et de la sensibilisation de ACT, un organisme d’aide aux survivants de trafic d’êtres humains en Alberta.
Elle espère que le projet de loi s’accompagnera de mesures et de programmes pour soutenir les personnes vulnérables à travers une telle démarche.
Faciliter les mandats de perquisition
Le projet de loi veut aussi permettre aux survivants d’obtenir une ordonnance de protection de la part de la cour provinciale. Un juge pourrait ainsi interdire à un agresseur de s’approcher d’un établissement fréquenté par le demandeur ou de communiquer avec lui pour une durée allant jusqu’à trois ans.
Un juge provincial pourrait également lancer un mandat pour permettre aux policiers de fouiller des propriétés privées s’il y a un motif raisonnable de croire qu’ils y trouveront une victime de trafic de personnes.
Ce mandat serait plus rapide et moins difficile à obtenir qu’un mandat au criminel, selon le gouvernement. C’est également ce que pense Jessica Brandon, de l’organisme ACT.
Elle s’en réjouit particulièrement.
« Le laps de temps [pour secourir quelqu’un] est très court et être capable d’entrer dans les lieux où une personne pourrait avoir besoin d’aide est très important », dit-elle. « Cela va vraiment augmenter les chances [de réussite] ».
Cependant, Mme Brandon croit que le gouvernement peut en faire davantage pour prévenir le trafic d’êtres humains. Elle aimerait par exemple le voir investir dans des programmes qui éduquent les travailleurs étrangers et les nouveaux arrivants sur leurs droits.
Elle croit aussi qu’il serait temps d’obliger certains acteurs clé, comme les juges et les policiers, à suivre des formations sur ce qu’est le trafic de personnes et comment il se manifeste sur le terrain.
Ce n’est pas quelque chose qui arrive que dans les pays du tiers monde. Ça se passe aussi dans notre propre cour.
ACT traite d’ailleurs des centaines de plaintes liées au trafic d’êtres humains chaque année, même si seule une petite proportion d’entre eux se rend en cour. En 2018, seulement 12 cas ont été confirmés en Alberta, selon le gouvernement albertain.