Québec freine la protection des territoires de l’activité minière, selon des municipalités
Écrit par Radio Centre-Ville sur 25 février 2020
Des Municipalités régionales de comté (MRC), dont plusieurs en Estrie, estiment que le gouvernement du Québec les empêche de protéger adéquatement leur territoire des activités minières.
Les monts Pinacle, Sutton et Hereford font partie des secteurs que les MRC de l’Estrie ont été incapables de protéger de l’activité minière, regrette Simon Madore, responsable des dossiers d’aménagement à la MRC de Coaticook.
Des secteurs prisés des amateurs de plein air, se désole-t-il. Je pense qu’on aurait dû les protéger pour faire en sorte qu’il n’y ait pas de mine qui vienne s’y établir. Ce sont nos paysages culturels et touristiques que là, on ne peut pas protéger
, déplore-t-il.
Pourtant, depuis 2016, le gouvernement du Québec a donné le pouvoir aux MRC
d’établir des territoires incompatibles avec l’activité minière (TIAM). Un pouvoir qui découle de la modernisation de la Loi sur les mines.Nos affectations de conservation ne répondaient pas aux critères du ministère, donc on a dû les retirer à ce moment-là
Le hic, selon les MRC, c’est que ce pouvoir serait trop encadré par le ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles et les orientations gouvernementales, ce qui ne laisserait que bien peu de marge de manœuvre aux décideurs locaux. C’est une première qu’un ministère a un droit de veto en aménagement du territoire face au ministère des Affaires municipales
, soutient Marie-Claude Bernard, coordonnatrice de l’aménagement à la MRC de Coaticook.
Les droits de sous-sol sont indépendants de ceux de surface
Au Québec, il est possible qu’une personne ou une entité soit propriétaire de la surface et non du sous-sol. Ainsi, sans protection, une entreprise peut acheter des titres miniers et effectuer des activités d’exploration minière, même si la surface est utilisée par un autre utilisateur.
Des MRC
se disent forcées d’abandonner des territoiresLes MRC
de Coaticook et de Memphrémagog font partie des six MRC au Québec qui ont complété le processus de désignation des territoires incompatibles avec l’activité minière. Elles estiment qu’elles n’auraient pu y parvenir sans abandonner certains territoires qu’elles souhaitaient pourtant protéger.Le coordonnateur à l’aménagement à la MRC de Memphrémagog, Hugues Ménard, aimerait que les MRC puissent avoir plus de souplesse dans l’établissement des territoires incompatibles avec l’activité minière.
Photo : Radio-Canada
On a essayé de protéger certains secteurs qui n’étaient pas dans l’ensemble des critères (du ministère), mais qu’on jugeait importants à protéger. Je crois qu’on a fait un bon travail de justification, mais que ça n’a pas mené aux résultats escomptés
, déplore le coordonnateur à l’aménagement de la MRC de Memphrémagog, Hugues Ménard.
On a pas pu les protéger, alors on se retrouve avec des secteurs où il pourrait y avoir des activités minières
Elles sont loin d’être les seules MRC
à émettre de telles critiques. Plusieurs autres qui ont enclenché le processus de désignation des territoires incompatibles ont confié à Radio-Canada Estrie leur exaspération face au processus. Certaines songent même à faire marche arrière.C’est le signal qu’il y a un problème
, s’exclame Ugo Lapointe, co-porte-parole de la Coalition pour que le Québec ait meilleure mine. Pratiquement toutes les MRC [qui ont déposé une demande au ministère] ont essuyé un refus et ont dû retourner à la table de travail.
Peu de MRC protègent leur territoire de l’activité minière
- 6 des 101 MRC protègent leur territoire de l’activité minière
- 27 MRC ont enclenché le processus, dont 3 en Estrie (MRC de Val-Saint-François, la Ville de Sherbrooke et la MRC des Sources)
M. Lapointe estime que ce nouveau pouvoir est une avancée majeure, mais que le gouvernement devrait donner plus de souplesse aux communautés locales. De notre point de vue, ce sont les lois municipales, les collectivités qui vivent sur le territoire qui doivent avoir leur mot à dire sur les bons choix d’aménagement du territoire
, souligne-t-il. Encore aujourd’hui, c’est la Loi sur les mines qui a le haut du pavé. Faudrait corriger cela.
Ugo Lapointe
Photo : Radio-Canada / Archives
Il réclame aussi un mécanisme de gestion de conflits lorsqu’il y a des titres miniers actifs sur un territoire qu’une MRC
souhaite protéger.Une préoccupation pour l’industrie
L’Association de l’exploration minière du Québec (AEMQ) pose un constat diamétralement opposé sur la situation. Selon la directrice générale, Valérie Filion, les orientations gouvernementales donnent une grande latitude aux MRCcohabitation
.
Dans l’orientation gouvernementale, comme elle est écrite, il y a un cumul de protections possibles qui font qu’à la fin, on peut avoir des grands pans du territoire qui sont soustraits avec toutes les catégories qu’il y a dans l’orientation
, affirme Mme Filion.
Cette dernière estime qu’il y a d’autres moyens d’assurer une saine cohabitation, sans soustraire du territoire à l’activité minière. Plutôt que de viser à cohabiter, on soustrait [du territoire]
, déplore Mme Filion.
Faut pas oublier que notre secteur d’activité, c’est un secteur d’activité qui devrait être considéré comme toutes les autres activités
L’Association minière du Québec (AMQ) adhère quant à elle aux orientations gouvernementales pour l’établissement des TIAM Leur représentante précise toutefois par courriel qu’il ne faut pas soustraire injustement
du territoire à l’activité minière.
% du territoire québécois n’a jamais fait l’objet d’activité minière et qu’on ne connaît que 15% du sous-sol, on comprend qu’il y a encore de la place pour l’activité minière”,”text”:”Quand on sait que 97,3% du territoire québécois n’a jamais fait l’objet d’activité minière et qu’on ne connaît que 15% du sous-sol, on comprend qu’il y a encore de la place pour l’activité minière”}}” lang=”fr”>Quand on sait que 97,3 % du territoire québécois n’a jamais fait l’objet d’activité minière et qu’on ne connaît que 15 % du sous-sol, on comprend qu’il y a encore de la place pour l’activité minière
, mentionne-t-on par courriel.
L’AMQSans faire l’objet d’un consensus, elles constituent un compromis acceptable, précise-t-on. Ce ne sont pas toutes les propositions du secteur minier qui ont été retenues. Il est possible que ce soit aussi le cas pour le monde municipal.
Le ministère propose un accompagnement aux MRC
Le ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles estime que certaines MRCfaute d’accompagnement
.
La directrice des affaires minières et de la coordination du MERN, Hélène Giroux estime qu’il est normal que le processus soit exigeant.
Photo : Radio-Canada
Le ministère affirme être à la disposition des MRC pour les aider dans la préparation de leur dossier. Notre but est que chacune obtienne ce qu’elle souhaite comme territoire incompatible, en autant qu’elles respectent les critères et on est prêt à les réexpliquer à chaque fois
, affirme la directrice des affaires minières et de la coordination du ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles du Québec (MERN), Hélène Giroux.
C’est une décision importante parce qu’on vient retirer de l’activité minière des territoires souvent importants. Donc, avec un impact économique qui peut être important.
Le ministère ne compte pas assouplir ses critères pour l’instant. Il les juge fondés sur un compromis entre les intérêts de l’industrie et ceux du monde municipal.
Le ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles, Jonatan Julien, n’était pas disponible pour nous accorder une entrevue.